Il y a des photographes reconnus dont nous vénérons le travail, visitions les expositions, et dont les images emblématiques restent à jamais gravées dans nos esprits. En général nous ne rencontrons jamais ces héros. Et puis, il y a ces photographes que nous croisons sur le chemin de nos carrières professionnelles, avec lesquels nous pouvons ressentir une connection particulière et une raison d’être commune.
J’ai rencontré Sybil Rondeau il y a environ 7 ans. Elle venait tout juste de quitter son précédent travail dans le médical et décider de vivre de sa passion, la photographie, et en particulier la photographie de mariage. Avec le numérique et la croissance des réseaux sociaux, l’attirance de gagner sa vie en appuyant simplement sur le bouton d’un appareil photo n’avait jamais semblé aussi forte. Mais pour Sybil, ce n’était pas une motivation, elle a toujours eu les pieds bien sur terre. Au cours de ces 7 dernières années, sa passion, sa détermination et son dévouement au travail ont été sans faille, et une réelle inspiration pour moi. Elle s’est hissée au top de son art, combinant la maîtrise technique au talent créatif.
J’ai choisi cette image de Sybil car elle résume bien ce que j’apprécie dans son travail et la vision photographique que nous partageons. C’est une photographie évidente au premier regard. Elle nous fait sourire. L’humour est contagieux. Le moment est joliment capturé, empli de lumière et de chaleur. En tant que photographe de mariage moi même, j’apprécie particulièrement la singularité d’un tel instant, d’autant que souvent, couvrir une cérémonie religieuse peut être très stressant, quand le prêtre garde un oeil hargneux sur le photographe, méfiant de cette présence qui rode. Sybil photographie souvent d’une position assez basse, non seulement parce que cela crée un angle dynamique avec un arrière plan dégagé mais aussi, comme ici, parce qu’il convient de rester discrète et de respecter la cérémonie, sans gêner les invités.
Le fait d’avoir quelque chose de caché dans une image est un thème particulièrement intéressant, et une part importante de l’humour visuel. Nous pouvons deviner que le couple s’embrasse, mais y a t’il une autre blague que nous ne connaissons pas ? Que disaient-ils juste avant ? Que va t’il se passer maintenant ? Sybil a t’elle anticipé ce moment , je ne le sais pas, je ne lui ai jamais demandé. J’ai juste envie d’apprécier cette image telle quelle est, au premier degré. C’est ça la magie de la photographie : dans une fraction de seconde nous capturons un instant de vie, mais derrière l’image fixe une toute nouvelle histoire est suggérée, se laisse imaginer. Cette photographie, avec l’expression des personnages principaux dissimulée, me rappelle ce classique d’une véritable légende de la photographie documentaire, Henri Cartier-Bresson.
La composition et le timing sont une pure merveille. Comme pour la photo de Sybil, le geste et le regard dépassent les quatre coins de ce cadrage.
La photographie de mariage a énormément évolué au cours de cette décennie, et en particulier les cinq dernières années. Mais il est important de ne pas laisser le style passer avant le contenu. Alors qu’elle est une professionnelle très douée, compétente en de nombreuses techniques, le travail de Sybil a toujours été honnête et d’une simplicité efficace. Il s’agit de reportage photographique dans sa forme la plus pure : être au bon endroit au bon moment. La connaitre m’a aidé à remettre en question ma propre pratique et aller plus loin. Nous sommes dans un secteur très compétitif, et pourtant cela n’a jamais entravé notre respect mutuel et une amitié durable, partageant les hauts et les bas. Elle continuera sans aucun doute à gagner des prix, mais la fraicheur et l’impact de cette photographie aura toujours une place spéciale à mes yeux, un joyeux moment, exaltant, inoubliable.